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La probiotique par Jean-Luc RENCK /Biologiste et Ecrivain scientifique

Stratégie particulière de soins applicable aux koï :

La probiotique joue les bonnes bactéries contre les mauvaises

Le phénomène préoccupant des résistances bactériennes aux antibiotiques nous enseigne que, si nous-mêmes – ou tout animal que nous soignons – devons résister pour survivre, c’est doublement : primo résister aux microbes qui nous sont réellement adverses, secundo résister à l’envie d’éliminer par souci d’hygiène tous les autres, qui sont parts du tissu vivant dans lequel notre espèce a évolué. Au contraire même, il nous faut favoriser ces microbes inoffensifs, afin qu’ils concurrencent autant que possible les pathogènes, les empêchent de s’installer, de proliférer, de trouver pitance. Ci-après quelques éclairages sur cette démarche qu’on appelle la probiotique, désormais bien connue au rayon préventif parmi l’arsenal des soins aux koï et autres poissons…

Considérons un écosystème très particulier : celui que nous abritons dans notre canal digestif. Notre « flore » intestinale avoisine le demi-millier d’espèces bactériennes différentes, au moins, et les espèces virales y sont 1200, et plus sans doute, inconnues pour moitié – les virus vivent là en prédateurs de bactéries. Cette vie grouillante est à l’image de celle qui s’agite hors des organismes: il y a compétition pour l’espace, la nourriture, prédation…

Equilibre & santé

Comme les écosystèmes plus vastes, notre conduit digestif et ses habitants doivent se tenir dans un état d’équilibre dynamique, où quelques bactéries garantes d’un fonctionnement pérenne jouent un rôle central. Une bonne hygiène alimentaire, à fond de produits laitiers et végétaux, favorise ces « bonnes » bactéries. C’est dire qu’il se trouve des bactéries moins bénéfiques: une nourriture trop carnée peut favoriser la démographie de celles-ci ainsi que la production dommageable de déchets irritants, toxiques, carcinogènes. Une flore intestinale de « mauvaise composition » peut entraîner des maladies chroniques, parfois fatales, inflammations, ulcérations et cancers des voies digestives, mais aussi déficiences immunitaires et états allergiques tels que l’eczéma.

Comprendre le bon équilibre de notre flore bactérienne et apprendre à le restaurer contre certaines pathologies est un thème pris désormais au sérieux: pas moins de 64 équipes sont ainsi associées dans un projet européen de recherches approfondies sur cette micro-flore.

Les applications toutefois n’ont pas attendu cet élan: depuis de nombreuses années, on nous vante et vend des ferments lactiques et autres préparations « probiotiques » : qui n’a pas entendu parler de Lactobacillus bifidus ? Des résultats encourageants ont été obtenus également en santé animale, dans des élevages de volailles, où des bactéries protectrices remplaceraient avantageusement les antibiotiques pour la santé des poulets, des consommateurs et de l’environnement.

Dans les bassins

Ce principe général bon pour nous ou pour des poulets ne saurait être néfaste à des carpes koï ! Et de fait, depuis un certain temps déjà, des préparations probiotiques existent, destinées aux élevages de poissons. Elles offrent une voie de prévention, et dans un éventail de cas, une alternative à la ruée sur la boîte d’antibiotiques à la moindre infection.

Certes, des antibiotiques peuvent être utiles ponctuellement sur des infections localisées, mais traiter plus largement un bassin l’eau aux antibiotiques n’est pas à conseiller : on affecte les bactéries bénignes, notamment les filtrantes, jusqu’à les exterminer, ce qui détériore la qualité de l’eau! Par ailleurs, les antibiotiques versés curativement ou préventivement dans l’eau favorisent la résistance (si, sur l’avis d’une personne compétente, on passe néanmoins à l’introduction d’antibiotiques dans l’eau, il faut le faire dans une citerne d’accueil).

Outre une évaluation soigneuse des facilitations possibles à une infection (mauvaise qualité de l’eau, stress…), l’introduction de composés probiotiques est une bonne option : les bactéries inoffensives vont consommer la même nourriture que les bactéries nocives aux poissons. Concurrencées, celles-ci seront moins nombreuses. En même temps, la présence des bactéries inoffensives et des nocives en plus faible quantité stimule sans le déborder le système immunitaire de l’animal, système qui ne saurait se tenir en forme dans un milieu stérile…

Des études sur les truites ont montré que l’adjonction de bactéries compétitives, comme Citrobacter freundii, peut faire diminuer la mortalité en présence de Flaviobacterium columnaris, une aérobie qui prolifère en eau dure, trop chargée organiquement, et en ammoniaque et en nitrite, à température d’eau supérieure à 20°C . La maladie, dans sa forme aiguë où seules les branchies sont atteintes, tue les poissons en moins de 10 jours : quelques taches blanches sur les chairs rouges des branchies signalent une nécrose provoquée par des enzymes toxiques et histolytiques, d’où asphyxie rapide des poissons. En l’absence de vrai traitement ou de vaccin, les probiotiques sont un recours prophylactique.

Quels produits en probiotique ?

Parmi les plus réputés des probiotiques utilisés en pisciculture, on peut mentionner « MIRACLE ANIMAL » et « YUGEN », ainsi qu’ « ANAREX BIO« . « MIRACLE ANIMAL » est un produit d’origine japonaise très efficace dérivé de la recherche en probiotique humaine. Créé à l’Institut japonais de recherche en nourriture fonctionnelle, il est composé d’une culture sélectionnée de bactéries au métabolisme débouchant sur la production d’acide lactique (Lactobacillus), obtenues par la fermentation de légumes, fruits, haricots, herbes et épices, algues et champignons. Parmi ses effets, « MIRACLE ANIMAL » stimule la flore bactérienne intestinale et aide grandement à la digestion, et plus globalement à la croissance. Surtout il “ booste ” le système immunitaire, prévient les ulcères, les pourritures des nageoires et de la bouche et aide la cicatrisation lorsque ces pathologies sont déjà présentes.

Anarex-Bio probiotique bassin

Trop beau pour être vrai ? Revenons pour conclure à un peu de médecine humaine, et quelques autres “ miracles ”, ou dit moins grandiosement , à de subtiles applications des principes de concurrence et d’harmonie dans le monde microscopique. Le monde bactérien intervient de multiples façons dans le bon fonctionnement de notre organisme, et pas seulement au niveau digestif. Les voies digestives ne sont pas seules à profiter de « bonnes » bactéries résidentes. Ainsi, le risque de rechutes lors d’otites infantiles apparaît divisé par deux si on reconstitue après traitement la population d’une bactérie naturellement présente dans l’oreille, qui inhibe normalement celle responsable de l’inflammation – protection naturelle que les antibiotiques mettent à mal.

Dans des cas plus spécifiques, on a observé qu’en administrant quotidiennement par voie orale des bactéries inoffensives à des futures mères sujettes à l’asthme et l’eczéma, durant la grossesse puis l’allaitement, on réduit le risque de telles affections chez leurs enfants. L’exposition précoce – lors de la naissance notamment – aux bactéries inoffensives sert la bonne programmation de notre immunité et prévient que nos défenses se retournent contre le corps sous la forme d’allergies ou d’un diabète, par exemple… On a pu constater que des souris nées par césarienne ont un risque doublé de diabète par auto-immunité, tendance annulée par exposition à un mélange de bactéries et virus, ou même à des vers intestinaux bénins.

Notre peau est couverte de bactéries et levures. Rien que sur nos avant-bras, on a récemment identifié 182 espèces. « Beaucoup des microorganismes normaux doivent contribuer à protéger la peau. C’est pourquoi je ne pense pas que ce soit une bonne idée de se laver tout le temps, parce que nous lavons en même temps l’une de nos lignes de défense » a pu commenter le Pr Martin Blaser, microbiologiste à l’Ecole de Médecine de l’Université de New York.

Encore une fois, ces principes bons pour nous, pour des souris ou encore des batraciens (ci-contre) ne saurait nuire à une koï. Au contraire.

Un usage sauvage des probiotiques :

l’amphibien, le champignon et la bactérie

Les amphibiens sont en déclin. Et si pour oublier quelques problèmes, ils prenaient un bon bain? Avec pour savon des bactéries !

L’amphibien, le champignon et la bactérie, ce pourrait être le titre d’un western de Sergio Leone avec des duels assassins. D’abord, il y a le champignon, Batrachochytrium dendrobatidis, qui attaque férocement des populations d’amphibiens, ajoutant aux avanies que ceux-ci affrontent partout : perte d’habitats, pollutions, changement climatique, couche d’ozone amincie – bouleversements pas étrangers pour certains au succès croissant du champignon.

L’idée, en ces circonstances, de donner aux amphibiens un bon bain – autre scène de western classique – avec des microbes dedans, vient de ce qu’une bactérie au moins peut régler son compte au champignon parasite. Cette bactérie est parmi les hôtes naturels d’une peau d’amphibien – tous les animaux, nous compris, hébergent de riches communautés cutanées de bactéries !

Reid Harris (univ. James Madison, Harrisonburg, Virginie) s’est demandé si certains éléments de ces communautés étaient garants d’une résistance au champignon, et si certains déficits facilitaient les infestations. Il a donc confronté au champignon, en boîte de verre, diverses espèces bactériennes tirées de la peau d’une salamandre commune. Quelques-unes ont laissé le champignon raide mort – revanche de l’histoire de la pénicilline où les moisissures avaient triomphé de bactéries…

Les biologistes ont ensuite montré que l’une de ces bactéries, Pedobacter cryoconitis, permet aux amphibiens, en situation réelle, de résister mieux au champignon : après deux heures dans un bain semé de Pedobacter, des salamandres ont été infectées avec Batrachochytrium. Dix-huit jours plus tard, elles étaient 30% plus nombreuses à s’en être débarrassé, comparées à des congénères non traitées.

Pedobacter produit sans doute un antibiotique. Autre pièce du puzzle toutefois : une salamandre est plus sensible au champignon si une autre bactérie, Pseudomonas reactans, est présente massivement. Celle-ci réduit sans doute les effectifs des bactéries protectrices. Pollutions, réchauffement, surcroît de rayonnement pourraient influer sur la composition de la flore bactérienne cutanée des amphibiens. Stressés, ceux-ci fabriquent-ils moins de mucus, dont les « bonnes » bactéries se nourrissent, sécrètent-ils plus d’hormones favorisant à leur dépens des bactéries peu ou pas utiles ? A voir. Mais il y a là, déjà, un exemple supplémentaire de ce que moins de « microbes » ne signifie pas forcément meilleure santé…

Et dans la pratique ?

Ensemencer avec Pedobacter les étangs hantés par Batrachochytrium? Ce serait de la probiotique , à vaste échelle, une gestion sanitaire par concurrence entre « bonnes » et « mauvaises » bactéries. C’est en Californie, avec une grenouille menacée, qu’Harris va tester en nature l’efficacité et la durabilité d’un tel traitement. Pour Reid Harris, « exposer des amphibiens menacés à une bactérie qui combat un champignon parasite en introduisant cette bactérie dans des mares, pourrait contrer pour une part le déclin amphibien. Il y a peu d’autres options. De fait, même, celle-ci est de fait la seule à offrir une lueur d’espoir »…

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